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RDV rue Didotou

#10 L’acolouthie de Sainte Théodora d’Arta par Job Melês par Brendan Osswald

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15min |11/04/2025
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#10 L’acolouthie de Sainte Théodora d’Arta par Job Melês par Brendan Osswald

#10 L’acolouthie de Sainte Théodora d’Arta par Job Melês par Brendan Osswald

15min |11/04/2025
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Description

Théodora Petraliphina, future sainte Théodora, est une figure incontournable de l’histoire du despotat d’Épire au XIIIe siècle. Pourtant, la Vie de sainte Théodora d’Arta et l’acolouthie médiévale qui lui est dédiée restent des sources peu étudiées, entourées de nombreuses questions sur leur fiabilité, leur auteur et leur datation. Ce livre comble ces lacunes en proposant une édition critique rigoureuse de ces textes fondamentaux, appuyée sur le manuscrit unique conservé à la Marcienne de Venise. L’ouvrage s’ouvre sur une analyse approfondie du contexte historique et liturgique : la biographie de Théodora, l’histoire éditoriale complexe de ses textes, l’évolution de son culte, et les spécificités philologiques de l’acolouthie. Ces recherches permettent de mieux comprendre non seulement la sainte et sa place dans la spiritualité byzantine, mais aussi le rôle du despotat d’Épire dans l’histoire politique et culturelle du XIIIe siècle. Avec une traduction française annotée et des études détaillées, ce livre s’impose comme une référence essentielle pour les historiens, les spécialistes de la liturgie byzantine et tous ceux qui s’intéressent à la culture, à la liturgie et à l’histoire médiévales.

Brendan Osswald, byzantiniste, est docteur en Histoire, agrégé de Lettres classiques et ancien membre de l’École française d’Athènes. Ses recherches portent notamment sur l’histoire, la littérature et l’archéologie de l’État épirote (XIIIe-XVe siècles). Il collabore actuellement au programme de recherches de l’Académie des Sciences de Heidelberg sur la Chronographia attribuée à Jean Malalas.

Les voix de la Méditerranée et des Balkans portées par l’École française d’Athènes.

Ne manquez aucun épisode, abonnez-vous dès maintenant.


https://editions.efa.gr


Crédits

Interview & réalisation : Marina Leclercq (EFA)

 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Brendan Osswald, chercheur à l'Académie des sciences de Heidelberg et en ce moment au revient-iniste de l'École française d'Athènes. Je vais vous présenter mon nouveau livre intitulé L’Acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui vient de paraître aux éditions de l'EFA. Initialement, j'avais pour projet de rédiger un article pour le Bulletin de Correspondance Hellénique, mais plus je travaillais sur le sujet, plus le texte grossissait et prenait les dimensions d'un livre qui a naturellement pris sa place dans la collection Sources et documents. C'est un travail qui tire son origine dans un programme de recherche de l'École consacré aux églises épirotes. C'est comme cela que je me suis intéressé à l'église Saint-Odora à Arta, et, de fil en aiguille, à sa patronne. Alors, une acoloutie, qu'est-ce que c'est ? Eh bien, ça vient du grec akolouthia, qui signifie la « succession », donc ça désigne les différentes parties d'un office dans la liturgie orthodoxe. On parle de l'acolouthie d'un saint à propos d'un texte regroupant toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de la liturgie spécifique à la fête du saint. En l'occurrence, mon livre est consacré à l'acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui est une sainte épirote du XIIIe siècle. Il ne s'agit pas d'un personnage légendaire, mais d'une personne ayant réellement existé, dont la vie est relativement bien documentée pour une femme de cette époque. Théodora Pétraliphina est née dans une famille de la haute aristocratie byzantine, dans une période particulièrement troublée. En 1204, la quatrième croisade s'empare de Constantinople, et l'Empire byzantin s'effondre. Les croisés tentent de s'approprier l'Empire en fondant l'Empire latin de Constantinople, mais certaines provinces résistent et s'organisent en état indépendants. C'est le cas de l'Empire de Trébizonde à l'est de la Mer noire de l'Empire de Nicée à l'ouest de la péninsule anatolienne et, tout à l'ouest de l'Empire byzantin, de l'Épire, un état fondé par le prince Michel Ier. La famille Pétraliphas perd ses biens occupés par les Latins et se retrouve séparée en deux, une partie à Nicée et l'autre en Épire. En Épire, elle se retrouve rapidement au premier plan puisque le successeur de Michel Ier, son frère Théodore, a épousé une Pétraliphina. Théodore est le souverain épirote le plus puissant et il parvient à s'emparer de Thessalonique et à s'y faire couronner empereur. Théodora est née probablement vers 1225. Elle est alors la nièce de l'impératrice et elle devient ensuite l'épouse de Michel II, le fils de Michel Ier, qui règne à son tour sur l'Épire. Michel portait le titre de despote, on parle donc d’un « despote d’Épire ». Théodora, pour sa part, portait le titre de basilissa. Elle règne à ses côtés et participe à son gouvernement. En politique extérieure, elle mène plusieurs missions diplomatiques pour le compte de son mari. Elle l'accompagne à la guerre. Elle fuit avec lui lorsque l'Épire est envahi. Ses frères et sœurs participent à des guet-apens contre ses ennemis. En politique intérieure, elle participe au soutien apporté aux monastères. Une fois devenue veuve, elle entre au monastère Saint-Georges à Arta, la capitale de l'Épire. Après sa mort, probablement vers 1283, elle est sanctifiée et son culte s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Alors, je me suis intéressé à son acolouthie tout d'abord parce qu'il s'agit d'une source importante pour l'histoire de l'Épire, qui est mon sujet de prédilection. Plus précisément, je m'interrogeais sur l'émergence du culte de Sainte Théodora et dans la bibliographie, je trouvais des indications contradictoires, notamment à propos de l'identité de l'auteur de l’Acolouthie. Par conséquent, je me suis rendu en 2018 à Venise, à la bibliothèque de la Marcienne, pour consulter l'unique manuscrit du texte, dans l'espoir d'en avoir le cœur net. Et là, à ma grande surprise, j'ai constaté que le texte contenu dans le manuscrit était très différent de celui qui se trouvait dans les éditions. D'une part, le manuscrit est incomplet, alors que les éditions sont complètes, il n'y a pas les mêmes parties, et les parties communes ne sont pas placées dans le même ordre. Enfin, la vie de la sainte, qui existe dans le manuscrit sous une version courte en grec classique, se retrouve dans l'édition dans une version longue en grec moderne. Dès lors, il m'a paru intéressant de publier le texte du manuscrit, parce que, dans la littérature scientifique, tout le monde parlait du texte et de son auteur sans savoir ce qui se trouvait vraiment dans ce manuscrit. Par ailleurs, le texte n'était pas à proprement parler inédit, puisque 90% du contenu du manuscrit était publié dans les éditions imprimées, mais aucune édition ne reproduisait le texte tel qu'il était dans le manuscrit. De sorte qu'il n'était jusqu'à présent pas possible de savoir précisément ce qui se trouvait dans le manuscrit ou non, c'est-à-dire de savoir précisément dans quel état se trouvait le texte au Moyen-Âge, plutôt que à l'époque moderne, au XVIIIe siècle, quand l’Acolouthie a commencé à être imprimée. Et ce qui est peut-être pire, c'est que personne n'avait conscience du problème. Par ailleurs, la publication du manuscrit permettrait évidemment d'en savoir plus sur l'histoire du texte et sur son auteur. En l'occurrence, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai tout d'abord pu me rendre compte que le texte était très différent dans le manuscrit et dans la version édité. En fait, l'éditio princeps, c'est-à-dire la première édition imprimée, a été réalisée en 1772 à Venise, là où le manuscrit est conservé. De sorte que tout le monde pensait qu'elle avait été faite d'après le manuscrit. Mais les différences sont tellement grandes que je ne pense vraiment pas que ce soit le cas. D'ailleurs, le texte a été édité par des grecs originaires d’Épire, notamment par un certain Panos Seklistinos, originaire d'Arta. Et on a beaucoup d'exemples de grecs qui viennent de Grèce avec leurs textes à Venise pour les faire imprimer à l'époque. Parce que l’imprimerie était très peu répandue dans l’empire ottoman. Par conséquent, ce n'est pas du tout parce que l’Acolouthie a été imprimé à Venise qu'elle a été d’après un manuscrit conservé à Venise. En réalité, c'est même l'inverse qui est le plus probable. D'une part, les éditeurs ne mentionnent pas le manuscrit. D'autre part, pourquoi des grecs seraient-ils allés à Venise chercher le manuscrit de l’Acolouthie ? De deux choses l'une, soit le culte de la Sainte était encore vivant à Arta, et il possédait donc une version du texte sur place, soit il n'en possédait pas, et cela signifie que le culte était interrompu. Dans ce cas-là, pourquoi se donner la peine d'aller fouiller les bibliothèques vénitiennes ? L'édition de 1772 est en effet une édition à but liturgique et non philologique. Elle ne vise pas à faire connaître un texte ancien à la communauté scientifique, mais à faciliter l'exécution de l'office lors de la fête de la Sainte. A l'opposé, on a en 1784 une édition de la vie de la Sainte, extraite de l’acolouthie, et puis publiée dans une description de la collection de manuscrits dans laquelle se trouvait le texte de l’acolouthie. Cette édition est réalisée par l'érudit italien Giovanni Luigi Mingarelli. Elle présente au contraire toutes les caractéristiques d'un travail scientifique de l'époque. Tout d'abord, le manuscrit est cité, et seule la vita est publiée, car elle seule paraît intéressante en tant que source historique. Les hymnes dédiés à la sainte, évidemment, ne l'intéressent pas. C'est pourquoi je ne pense pas que l'édition de 1772 ait été réalisée d'après le manuscrit. Il y avait probablement à Arta une version du texte sous forme manuscrite, qui a ensuite été perdue. De toute façon... Même si l'édition a été faite d'après le manuscrit, les différences sont telles qu'on ne peut pas parler du même texte. On a vraiment dans le manuscrit une version du XVe siècle et dans l'édition une version du XVIIIe siècle. Par ailleurs, concernant l'auteur, la bibliographie était divisée en deux camps. Ceux qui pensaient que l'auteur s'appelait Job Melês et que ce dernier devait probablement être identifié au moine Job Melias Iasitês, personnage connu à Constantinople dans les années 1270, et ceux qui pensaient qu'il s'appelait simplement Job et que son nom de famille était inconnu. Les premiers s'appelaient sur l'édition Seklistinos, qui fournissait le nom complet de l'auteur. Les seconds s’appuyaient sur l'édition de Mingarelli, qui ne fournit que le prénom et pas le nom de famille, et considéraient donc que Seklistinos n'avait trouvé dans le manuscrit que le prénom Job et qu'il avait lui-même ajouté le nom de Melês en hommage au moine Job Melias Iasitês. Cette dernière hypothèse me semblait en réalité très improbable. Mais l'examen du manuscrit règle la question de façon définitive. Le nom de Job Melês y figure clairement, non pas dans le titre, mais à l'intérieur du texte. Mingarelli, pour sa part, n'a reproduit que le titre, qui ne fournissait que le prénom Job et la vita. Il n'a pas reproduit le nom de famille, ce qui a pu donner l'impression que ce dernier était absent du manuscrit. Mais il y est. Cela ne règle pas totalement la question de l'identité de Job Melês avec Job Melias Iasitês, mais au moins le débat peut continuer sur des bases plus solides. L'argument selon lequel le nom aurait été rajouté au XVIIIe siècle n'est plus recevable. Le moine Job Melês n'est pas connu en dehors du manuscrit de l’Acolouthie. En revanche, le moine Job Melias Iasitês est un personnage relativement bien connu, qui a notamment pris part à la controverse à propos de l’Union des églises en 1274. A cette époque, l'empereur de Nicée Michel VIII Paléologue a repris Constantinople au latin, en 1261. Et en Occident, certains préparent une nouvelle croisade pour la lui reprendre. Michel VIII décide donc de procéder à l'union des églises, c'est-à-dire de négocier avec la papauté la reconnaissance de sa primauté, afin d'empêcher la croisade. Or, cette union suscite une forte opposition interne, notamment de la part de Job Melias Iasitês. Ce dernier est donc exilé en 1275 et l'on ignore la fin de sa vie. Alors, pourquoi ce moine serait-il l'auteur de l’Acolouthie ? En plus de la proximité de son nom avec Job Melês, Job Melias était aussi un proche de la dynastie Épirote. En effet, à cette époque, le despote d’Épire était Nicéphore, le fils de Théodora, qui avait épousé une princesse byzantine, Anne Paléologue, dont la famille demeura à Constantinople. De même, un autre fils de Théodora avait épousé une princesse byzantine et s'était lui-même installé à Constantinople. Job connaissait très bien ces gens, car ils étaient de virulents opposants à l'Union. De même, Nicéphore, en tant que souverain indépendant, avait refusé l'union des églises. Et lorsque l'Union fut abrogée en 1283, Il envoya son épouse à Constantinople pour le représenter au concile d’Adramyttion, concile qui a mis fin à L'Union et qui réorganisait l'église orthodoxe en conséquence. Or, on sait qu'Anne, c'est-à-dire l'épouse de Nicéphore, rentra en épire avec des artistes venus de la capitale. Il n'est donc pas difficile d'imaginer que Job Melias, en 1283, soit rentré d'exil, ait rencontré Anne et a accepté de composer une acolouthie pour Théodora, alors récemment décédée. Quand bien même Job Melias ne serait pas Job Melês, Il n'y a, selon moi, pas de raison de penser que l'acolouthie ait été rédigée très longtemps après la mort de Théodora, soit à la fin du XIIIe siècle. L'édition du manuscrit de la Marcienne a donc été pour moi l'occasion de réexaminer ces questions. La biographie de la Sainte, l'histoire du texte, la question de l'auteur et la datation. Mais j'ai également eu l'occasion de réexaminer la vie de Théodora contenue dans l’Acolouthie. En effet, celle-ci est très intéressante pour l'histoire de l'État épirote, puisqu'avant de raconter la vie de Théodora proprement dite, elle raconte l'histoire de l'état épirote, de sa création jusqu'à l'époque de la vie de la sainte, donc au début du XIIIe siècle. Il s'agit d'un texte souvent fantaisiste, mais qui contient également des informations intéressantes, parfois confirmées par d'autres sources. Cette nouvelle édition était pour moi l'occasion de commenter cette partie du texte en faisant une sorte de bilan de l'historiographie qui utilise cette source intensivement depuis plus d'un siècle. Mais le gros du travail est naturellement concerné le reste de l’Acolouthie qui est composée de nombreuses hymnes. D'une part, pour l'éditer et le traduire, il m'a fallu comprendre en quoi consistait une Acolouthie. Or, je n'étais pas vraiment spécialiste de ce genre de littérature, ni de liturgie byzantine. J'ai donc dû me former et chercher ici ou là les informations nécessaires. J'ai tenté de faire bénéficier le lecteur de ces recherches en fournissant une édition, telle que j'aurais aimé en trouver. En effet, les publications traditionnelles sont en général très arides. Elles ne fournissent que le texte, et part du principe que le lecteur sait comment une Acolouthie fonctionne, connaît tout le vocabulaire spécifique et maîtrise le corpus de l'hymnographie byzantine. Pour ma part, je suis parti du principe que si je ne connaissais pas un terme spécifique, mon lecteur moyen ne le connaîtrait pas non plus. J'ai donc mis des notes en conséquence. De même, les hymnes sont rédigés en suivant des hirmoi, c'est-à-dire des modèles connus de tous les chantres. En gros, il s'agit de chansons rédigées « sur l’air de… » Sauf que je ne connaissais pas ces airs. J'ai donc cherché sur Internet et j'ai ensuite mis en note les liens vers les hirmoi, notamment vers le site internet de la métropole de Corinthe, qui a constitué une sorte de sonothèque à ce propos. Le lecteur peut donc suivre l’acolouthie en écoutant les hirmoi au fur et à mesure. D'une certaine façon, j'ai conçu ce livre non seulement pour des lecteurs qui s'intéresseraient à Sainte-Théodora en particulier, mais aussi pour des lecteurs non grecs, en particulier francophones évidemment, qui chercheraient une introduction au genre de l’acolouthie. Évidemment, dans cette perspective, il était indispensable de fournir une traduction française. Celle-ci cherche au maximum à suivre le texte, j'ai donc autant que possible traduit vers à vers, quasiment en mode juxtalinéaire, et pas du tout de façon littéraire. Enfin, je propose au lecteur une étude de Lacolouti qui est à ma connaissance la première. Autant la vie avait déjà été étudiée et intégrée autant dans des travaux sur l'histoire épiroque que sur le genre agéographique, autant les hymnes de l’Acolouthie, même dans la version éditée, n'avaient jamais fait l'objet d'une étude spécifique, ni été intégrées dans les études existantes sur l’hagiographie byzantine. Je me suis donc livré à une telle étude. Il en ressort que les hymnes suivent de très près les règles du genre. Le personnage de Théodora tel qu'il y apparaît est stéréotypé. Théodora est remarquable pour ses vertus, ses souffrances, ses qualités ascétiques et la qualité des soins et consolations qu'elle apporte à ceux qui souffrent. En cela, elle se distingue d'autres saints, notamment masculins, qui seront eux loués pour leur sagesse, leur farouche défense de l'orthodoxie, etc. Quant à la vie de la sainte, elle est unique en son genre dans l’hagiographie byzantine, puisque le premier tiers raconte l'histoire de l'État épirote. Elle appartient donc plutôt au genre historique qu'au genre hagiographique. Ici, on sent l'influence de la Serbie. où les souverains sanctifiés sont nombreux. De façon générale, la sanctification d'un membre de la dynastie régnante dépasse largement l'individu,mais concerne l'État tout entier. C'est par exemple le cas, contemporain de Saint-Louis en France, qu'on connaît bien. En Serbie, c'est la dynastie entière qui est sainte. Et cette sanctification fait partie intégrante du processus de construction de l'État, voire de l'État-nation. Aujourd'hui encore, la plus grande église orthodoxe du monde est l'église de Saint-Sava, à Belgrade. Commencée au XXe siècle et récemment terminée. Cette église est dédiée au fils du fondateur de la dynastie némanide. C'est dire les implications contemporaines de ce phénomène médiéval. Concernant Théodora, le culte a probablement participé à forger un patriotisme épirote qui a permis à l'état épirote de rester indépendant jusqu'à la conquête ottomane, malgré les divers impérialismes auxquels il fut confronté. L’Épire n'est pas devenu un État-nation, mais le culte de Théodora est toujours vivant. Les fidèles se pressent chaque jour pour adorer ses reliques, et chaque année, le 11 mars, la fête de la Sainte est l'une des plus importante festivité de l'année à Arta, occasionnant une procession géante dans les rues de la ville.

Chapters

  • Introduction de Brendan Osswald et présentation du livre

    00:19

  • Origine de la recherche et contexte historique de Sainte Théodora

    00:33

  • Définition de l'acolouthie et son importance liturgique

    00:58

  • Découverte des différences entre le manuscrit et les éditions imprimées

    03:17

  • Réflexions sur la vie de Sainte Théodora et son héritage

    10:39

  • Le culte de Sainte Théodora et son impact sur l'identité épirote

    14:27

Description

Théodora Petraliphina, future sainte Théodora, est une figure incontournable de l’histoire du despotat d’Épire au XIIIe siècle. Pourtant, la Vie de sainte Théodora d’Arta et l’acolouthie médiévale qui lui est dédiée restent des sources peu étudiées, entourées de nombreuses questions sur leur fiabilité, leur auteur et leur datation. Ce livre comble ces lacunes en proposant une édition critique rigoureuse de ces textes fondamentaux, appuyée sur le manuscrit unique conservé à la Marcienne de Venise. L’ouvrage s’ouvre sur une analyse approfondie du contexte historique et liturgique : la biographie de Théodora, l’histoire éditoriale complexe de ses textes, l’évolution de son culte, et les spécificités philologiques de l’acolouthie. Ces recherches permettent de mieux comprendre non seulement la sainte et sa place dans la spiritualité byzantine, mais aussi le rôle du despotat d’Épire dans l’histoire politique et culturelle du XIIIe siècle. Avec une traduction française annotée et des études détaillées, ce livre s’impose comme une référence essentielle pour les historiens, les spécialistes de la liturgie byzantine et tous ceux qui s’intéressent à la culture, à la liturgie et à l’histoire médiévales.

Brendan Osswald, byzantiniste, est docteur en Histoire, agrégé de Lettres classiques et ancien membre de l’École française d’Athènes. Ses recherches portent notamment sur l’histoire, la littérature et l’archéologie de l’État épirote (XIIIe-XVe siècles). Il collabore actuellement au programme de recherches de l’Académie des Sciences de Heidelberg sur la Chronographia attribuée à Jean Malalas.

Les voix de la Méditerranée et des Balkans portées par l’École française d’Athènes.

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Crédits

Interview & réalisation : Marina Leclercq (EFA)

 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Brendan Osswald, chercheur à l'Académie des sciences de Heidelberg et en ce moment au revient-iniste de l'École française d'Athènes. Je vais vous présenter mon nouveau livre intitulé L’Acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui vient de paraître aux éditions de l'EFA. Initialement, j'avais pour projet de rédiger un article pour le Bulletin de Correspondance Hellénique, mais plus je travaillais sur le sujet, plus le texte grossissait et prenait les dimensions d'un livre qui a naturellement pris sa place dans la collection Sources et documents. C'est un travail qui tire son origine dans un programme de recherche de l'École consacré aux églises épirotes. C'est comme cela que je me suis intéressé à l'église Saint-Odora à Arta, et, de fil en aiguille, à sa patronne. Alors, une acoloutie, qu'est-ce que c'est ? Eh bien, ça vient du grec akolouthia, qui signifie la « succession », donc ça désigne les différentes parties d'un office dans la liturgie orthodoxe. On parle de l'acolouthie d'un saint à propos d'un texte regroupant toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de la liturgie spécifique à la fête du saint. En l'occurrence, mon livre est consacré à l'acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui est une sainte épirote du XIIIe siècle. Il ne s'agit pas d'un personnage légendaire, mais d'une personne ayant réellement existé, dont la vie est relativement bien documentée pour une femme de cette époque. Théodora Pétraliphina est née dans une famille de la haute aristocratie byzantine, dans une période particulièrement troublée. En 1204, la quatrième croisade s'empare de Constantinople, et l'Empire byzantin s'effondre. Les croisés tentent de s'approprier l'Empire en fondant l'Empire latin de Constantinople, mais certaines provinces résistent et s'organisent en état indépendants. C'est le cas de l'Empire de Trébizonde à l'est de la Mer noire de l'Empire de Nicée à l'ouest de la péninsule anatolienne et, tout à l'ouest de l'Empire byzantin, de l'Épire, un état fondé par le prince Michel Ier. La famille Pétraliphas perd ses biens occupés par les Latins et se retrouve séparée en deux, une partie à Nicée et l'autre en Épire. En Épire, elle se retrouve rapidement au premier plan puisque le successeur de Michel Ier, son frère Théodore, a épousé une Pétraliphina. Théodore est le souverain épirote le plus puissant et il parvient à s'emparer de Thessalonique et à s'y faire couronner empereur. Théodora est née probablement vers 1225. Elle est alors la nièce de l'impératrice et elle devient ensuite l'épouse de Michel II, le fils de Michel Ier, qui règne à son tour sur l'Épire. Michel portait le titre de despote, on parle donc d’un « despote d’Épire ». Théodora, pour sa part, portait le titre de basilissa. Elle règne à ses côtés et participe à son gouvernement. En politique extérieure, elle mène plusieurs missions diplomatiques pour le compte de son mari. Elle l'accompagne à la guerre. Elle fuit avec lui lorsque l'Épire est envahi. Ses frères et sœurs participent à des guet-apens contre ses ennemis. En politique intérieure, elle participe au soutien apporté aux monastères. Une fois devenue veuve, elle entre au monastère Saint-Georges à Arta, la capitale de l'Épire. Après sa mort, probablement vers 1283, elle est sanctifiée et son culte s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Alors, je me suis intéressé à son acolouthie tout d'abord parce qu'il s'agit d'une source importante pour l'histoire de l'Épire, qui est mon sujet de prédilection. Plus précisément, je m'interrogeais sur l'émergence du culte de Sainte Théodora et dans la bibliographie, je trouvais des indications contradictoires, notamment à propos de l'identité de l'auteur de l’Acolouthie. Par conséquent, je me suis rendu en 2018 à Venise, à la bibliothèque de la Marcienne, pour consulter l'unique manuscrit du texte, dans l'espoir d'en avoir le cœur net. Et là, à ma grande surprise, j'ai constaté que le texte contenu dans le manuscrit était très différent de celui qui se trouvait dans les éditions. D'une part, le manuscrit est incomplet, alors que les éditions sont complètes, il n'y a pas les mêmes parties, et les parties communes ne sont pas placées dans le même ordre. Enfin, la vie de la sainte, qui existe dans le manuscrit sous une version courte en grec classique, se retrouve dans l'édition dans une version longue en grec moderne. Dès lors, il m'a paru intéressant de publier le texte du manuscrit, parce que, dans la littérature scientifique, tout le monde parlait du texte et de son auteur sans savoir ce qui se trouvait vraiment dans ce manuscrit. Par ailleurs, le texte n'était pas à proprement parler inédit, puisque 90% du contenu du manuscrit était publié dans les éditions imprimées, mais aucune édition ne reproduisait le texte tel qu'il était dans le manuscrit. De sorte qu'il n'était jusqu'à présent pas possible de savoir précisément ce qui se trouvait dans le manuscrit ou non, c'est-à-dire de savoir précisément dans quel état se trouvait le texte au Moyen-Âge, plutôt que à l'époque moderne, au XVIIIe siècle, quand l’Acolouthie a commencé à être imprimée. Et ce qui est peut-être pire, c'est que personne n'avait conscience du problème. Par ailleurs, la publication du manuscrit permettrait évidemment d'en savoir plus sur l'histoire du texte et sur son auteur. En l'occurrence, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai tout d'abord pu me rendre compte que le texte était très différent dans le manuscrit et dans la version édité. En fait, l'éditio princeps, c'est-à-dire la première édition imprimée, a été réalisée en 1772 à Venise, là où le manuscrit est conservé. De sorte que tout le monde pensait qu'elle avait été faite d'après le manuscrit. Mais les différences sont tellement grandes que je ne pense vraiment pas que ce soit le cas. D'ailleurs, le texte a été édité par des grecs originaires d’Épire, notamment par un certain Panos Seklistinos, originaire d'Arta. Et on a beaucoup d'exemples de grecs qui viennent de Grèce avec leurs textes à Venise pour les faire imprimer à l'époque. Parce que l’imprimerie était très peu répandue dans l’empire ottoman. Par conséquent, ce n'est pas du tout parce que l’Acolouthie a été imprimé à Venise qu'elle a été d’après un manuscrit conservé à Venise. En réalité, c'est même l'inverse qui est le plus probable. D'une part, les éditeurs ne mentionnent pas le manuscrit. D'autre part, pourquoi des grecs seraient-ils allés à Venise chercher le manuscrit de l’Acolouthie ? De deux choses l'une, soit le culte de la Sainte était encore vivant à Arta, et il possédait donc une version du texte sur place, soit il n'en possédait pas, et cela signifie que le culte était interrompu. Dans ce cas-là, pourquoi se donner la peine d'aller fouiller les bibliothèques vénitiennes ? L'édition de 1772 est en effet une édition à but liturgique et non philologique. Elle ne vise pas à faire connaître un texte ancien à la communauté scientifique, mais à faciliter l'exécution de l'office lors de la fête de la Sainte. A l'opposé, on a en 1784 une édition de la vie de la Sainte, extraite de l’acolouthie, et puis publiée dans une description de la collection de manuscrits dans laquelle se trouvait le texte de l’acolouthie. Cette édition est réalisée par l'érudit italien Giovanni Luigi Mingarelli. Elle présente au contraire toutes les caractéristiques d'un travail scientifique de l'époque. Tout d'abord, le manuscrit est cité, et seule la vita est publiée, car elle seule paraît intéressante en tant que source historique. Les hymnes dédiés à la sainte, évidemment, ne l'intéressent pas. C'est pourquoi je ne pense pas que l'édition de 1772 ait été réalisée d'après le manuscrit. Il y avait probablement à Arta une version du texte sous forme manuscrite, qui a ensuite été perdue. De toute façon... Même si l'édition a été faite d'après le manuscrit, les différences sont telles qu'on ne peut pas parler du même texte. On a vraiment dans le manuscrit une version du XVe siècle et dans l'édition une version du XVIIIe siècle. Par ailleurs, concernant l'auteur, la bibliographie était divisée en deux camps. Ceux qui pensaient que l'auteur s'appelait Job Melês et que ce dernier devait probablement être identifié au moine Job Melias Iasitês, personnage connu à Constantinople dans les années 1270, et ceux qui pensaient qu'il s'appelait simplement Job et que son nom de famille était inconnu. Les premiers s'appelaient sur l'édition Seklistinos, qui fournissait le nom complet de l'auteur. Les seconds s’appuyaient sur l'édition de Mingarelli, qui ne fournit que le prénom et pas le nom de famille, et considéraient donc que Seklistinos n'avait trouvé dans le manuscrit que le prénom Job et qu'il avait lui-même ajouté le nom de Melês en hommage au moine Job Melias Iasitês. Cette dernière hypothèse me semblait en réalité très improbable. Mais l'examen du manuscrit règle la question de façon définitive. Le nom de Job Melês y figure clairement, non pas dans le titre, mais à l'intérieur du texte. Mingarelli, pour sa part, n'a reproduit que le titre, qui ne fournissait que le prénom Job et la vita. Il n'a pas reproduit le nom de famille, ce qui a pu donner l'impression que ce dernier était absent du manuscrit. Mais il y est. Cela ne règle pas totalement la question de l'identité de Job Melês avec Job Melias Iasitês, mais au moins le débat peut continuer sur des bases plus solides. L'argument selon lequel le nom aurait été rajouté au XVIIIe siècle n'est plus recevable. Le moine Job Melês n'est pas connu en dehors du manuscrit de l’Acolouthie. En revanche, le moine Job Melias Iasitês est un personnage relativement bien connu, qui a notamment pris part à la controverse à propos de l’Union des églises en 1274. A cette époque, l'empereur de Nicée Michel VIII Paléologue a repris Constantinople au latin, en 1261. Et en Occident, certains préparent une nouvelle croisade pour la lui reprendre. Michel VIII décide donc de procéder à l'union des églises, c'est-à-dire de négocier avec la papauté la reconnaissance de sa primauté, afin d'empêcher la croisade. Or, cette union suscite une forte opposition interne, notamment de la part de Job Melias Iasitês. Ce dernier est donc exilé en 1275 et l'on ignore la fin de sa vie. Alors, pourquoi ce moine serait-il l'auteur de l’Acolouthie ? En plus de la proximité de son nom avec Job Melês, Job Melias était aussi un proche de la dynastie Épirote. En effet, à cette époque, le despote d’Épire était Nicéphore, le fils de Théodora, qui avait épousé une princesse byzantine, Anne Paléologue, dont la famille demeura à Constantinople. De même, un autre fils de Théodora avait épousé une princesse byzantine et s'était lui-même installé à Constantinople. Job connaissait très bien ces gens, car ils étaient de virulents opposants à l'Union. De même, Nicéphore, en tant que souverain indépendant, avait refusé l'union des églises. Et lorsque l'Union fut abrogée en 1283, Il envoya son épouse à Constantinople pour le représenter au concile d’Adramyttion, concile qui a mis fin à L'Union et qui réorganisait l'église orthodoxe en conséquence. Or, on sait qu'Anne, c'est-à-dire l'épouse de Nicéphore, rentra en épire avec des artistes venus de la capitale. Il n'est donc pas difficile d'imaginer que Job Melias, en 1283, soit rentré d'exil, ait rencontré Anne et a accepté de composer une acolouthie pour Théodora, alors récemment décédée. Quand bien même Job Melias ne serait pas Job Melês, Il n'y a, selon moi, pas de raison de penser que l'acolouthie ait été rédigée très longtemps après la mort de Théodora, soit à la fin du XIIIe siècle. L'édition du manuscrit de la Marcienne a donc été pour moi l'occasion de réexaminer ces questions. La biographie de la Sainte, l'histoire du texte, la question de l'auteur et la datation. Mais j'ai également eu l'occasion de réexaminer la vie de Théodora contenue dans l’Acolouthie. En effet, celle-ci est très intéressante pour l'histoire de l'État épirote, puisqu'avant de raconter la vie de Théodora proprement dite, elle raconte l'histoire de l'état épirote, de sa création jusqu'à l'époque de la vie de la sainte, donc au début du XIIIe siècle. Il s'agit d'un texte souvent fantaisiste, mais qui contient également des informations intéressantes, parfois confirmées par d'autres sources. Cette nouvelle édition était pour moi l'occasion de commenter cette partie du texte en faisant une sorte de bilan de l'historiographie qui utilise cette source intensivement depuis plus d'un siècle. Mais le gros du travail est naturellement concerné le reste de l’Acolouthie qui est composée de nombreuses hymnes. D'une part, pour l'éditer et le traduire, il m'a fallu comprendre en quoi consistait une Acolouthie. Or, je n'étais pas vraiment spécialiste de ce genre de littérature, ni de liturgie byzantine. J'ai donc dû me former et chercher ici ou là les informations nécessaires. J'ai tenté de faire bénéficier le lecteur de ces recherches en fournissant une édition, telle que j'aurais aimé en trouver. En effet, les publications traditionnelles sont en général très arides. Elles ne fournissent que le texte, et part du principe que le lecteur sait comment une Acolouthie fonctionne, connaît tout le vocabulaire spécifique et maîtrise le corpus de l'hymnographie byzantine. Pour ma part, je suis parti du principe que si je ne connaissais pas un terme spécifique, mon lecteur moyen ne le connaîtrait pas non plus. J'ai donc mis des notes en conséquence. De même, les hymnes sont rédigés en suivant des hirmoi, c'est-à-dire des modèles connus de tous les chantres. En gros, il s'agit de chansons rédigées « sur l’air de… » Sauf que je ne connaissais pas ces airs. J'ai donc cherché sur Internet et j'ai ensuite mis en note les liens vers les hirmoi, notamment vers le site internet de la métropole de Corinthe, qui a constitué une sorte de sonothèque à ce propos. Le lecteur peut donc suivre l’acolouthie en écoutant les hirmoi au fur et à mesure. D'une certaine façon, j'ai conçu ce livre non seulement pour des lecteurs qui s'intéresseraient à Sainte-Théodora en particulier, mais aussi pour des lecteurs non grecs, en particulier francophones évidemment, qui chercheraient une introduction au genre de l’acolouthie. Évidemment, dans cette perspective, il était indispensable de fournir une traduction française. Celle-ci cherche au maximum à suivre le texte, j'ai donc autant que possible traduit vers à vers, quasiment en mode juxtalinéaire, et pas du tout de façon littéraire. Enfin, je propose au lecteur une étude de Lacolouti qui est à ma connaissance la première. Autant la vie avait déjà été étudiée et intégrée autant dans des travaux sur l'histoire épiroque que sur le genre agéographique, autant les hymnes de l’Acolouthie, même dans la version éditée, n'avaient jamais fait l'objet d'une étude spécifique, ni été intégrées dans les études existantes sur l’hagiographie byzantine. Je me suis donc livré à une telle étude. Il en ressort que les hymnes suivent de très près les règles du genre. Le personnage de Théodora tel qu'il y apparaît est stéréotypé. Théodora est remarquable pour ses vertus, ses souffrances, ses qualités ascétiques et la qualité des soins et consolations qu'elle apporte à ceux qui souffrent. En cela, elle se distingue d'autres saints, notamment masculins, qui seront eux loués pour leur sagesse, leur farouche défense de l'orthodoxie, etc. Quant à la vie de la sainte, elle est unique en son genre dans l’hagiographie byzantine, puisque le premier tiers raconte l'histoire de l'État épirote. Elle appartient donc plutôt au genre historique qu'au genre hagiographique. Ici, on sent l'influence de la Serbie. où les souverains sanctifiés sont nombreux. De façon générale, la sanctification d'un membre de la dynastie régnante dépasse largement l'individu,mais concerne l'État tout entier. C'est par exemple le cas, contemporain de Saint-Louis en France, qu'on connaît bien. En Serbie, c'est la dynastie entière qui est sainte. Et cette sanctification fait partie intégrante du processus de construction de l'État, voire de l'État-nation. Aujourd'hui encore, la plus grande église orthodoxe du monde est l'église de Saint-Sava, à Belgrade. Commencée au XXe siècle et récemment terminée. Cette église est dédiée au fils du fondateur de la dynastie némanide. C'est dire les implications contemporaines de ce phénomène médiéval. Concernant Théodora, le culte a probablement participé à forger un patriotisme épirote qui a permis à l'état épirote de rester indépendant jusqu'à la conquête ottomane, malgré les divers impérialismes auxquels il fut confronté. L’Épire n'est pas devenu un État-nation, mais le culte de Théodora est toujours vivant. Les fidèles se pressent chaque jour pour adorer ses reliques, et chaque année, le 11 mars, la fête de la Sainte est l'une des plus importante festivité de l'année à Arta, occasionnant une procession géante dans les rues de la ville.

Chapters

  • Introduction de Brendan Osswald et présentation du livre

    00:19

  • Origine de la recherche et contexte historique de Sainte Théodora

    00:33

  • Définition de l'acolouthie et son importance liturgique

    00:58

  • Découverte des différences entre le manuscrit et les éditions imprimées

    03:17

  • Réflexions sur la vie de Sainte Théodora et son héritage

    10:39

  • Le culte de Sainte Théodora et son impact sur l'identité épirote

    14:27

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Description

Théodora Petraliphina, future sainte Théodora, est une figure incontournable de l’histoire du despotat d’Épire au XIIIe siècle. Pourtant, la Vie de sainte Théodora d’Arta et l’acolouthie médiévale qui lui est dédiée restent des sources peu étudiées, entourées de nombreuses questions sur leur fiabilité, leur auteur et leur datation. Ce livre comble ces lacunes en proposant une édition critique rigoureuse de ces textes fondamentaux, appuyée sur le manuscrit unique conservé à la Marcienne de Venise. L’ouvrage s’ouvre sur une analyse approfondie du contexte historique et liturgique : la biographie de Théodora, l’histoire éditoriale complexe de ses textes, l’évolution de son culte, et les spécificités philologiques de l’acolouthie. Ces recherches permettent de mieux comprendre non seulement la sainte et sa place dans la spiritualité byzantine, mais aussi le rôle du despotat d’Épire dans l’histoire politique et culturelle du XIIIe siècle. Avec une traduction française annotée et des études détaillées, ce livre s’impose comme une référence essentielle pour les historiens, les spécialistes de la liturgie byzantine et tous ceux qui s’intéressent à la culture, à la liturgie et à l’histoire médiévales.

Brendan Osswald, byzantiniste, est docteur en Histoire, agrégé de Lettres classiques et ancien membre de l’École française d’Athènes. Ses recherches portent notamment sur l’histoire, la littérature et l’archéologie de l’État épirote (XIIIe-XVe siècles). Il collabore actuellement au programme de recherches de l’Académie des Sciences de Heidelberg sur la Chronographia attribuée à Jean Malalas.

Les voix de la Méditerranée et des Balkans portées par l’École française d’Athènes.

Ne manquez aucun épisode, abonnez-vous dès maintenant.


https://editions.efa.gr


Crédits

Interview & réalisation : Marina Leclercq (EFA)

 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Brendan Osswald, chercheur à l'Académie des sciences de Heidelberg et en ce moment au revient-iniste de l'École française d'Athènes. Je vais vous présenter mon nouveau livre intitulé L’Acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui vient de paraître aux éditions de l'EFA. Initialement, j'avais pour projet de rédiger un article pour le Bulletin de Correspondance Hellénique, mais plus je travaillais sur le sujet, plus le texte grossissait et prenait les dimensions d'un livre qui a naturellement pris sa place dans la collection Sources et documents. C'est un travail qui tire son origine dans un programme de recherche de l'École consacré aux églises épirotes. C'est comme cela que je me suis intéressé à l'église Saint-Odora à Arta, et, de fil en aiguille, à sa patronne. Alors, une acoloutie, qu'est-ce que c'est ? Eh bien, ça vient du grec akolouthia, qui signifie la « succession », donc ça désigne les différentes parties d'un office dans la liturgie orthodoxe. On parle de l'acolouthie d'un saint à propos d'un texte regroupant toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de la liturgie spécifique à la fête du saint. En l'occurrence, mon livre est consacré à l'acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui est une sainte épirote du XIIIe siècle. Il ne s'agit pas d'un personnage légendaire, mais d'une personne ayant réellement existé, dont la vie est relativement bien documentée pour une femme de cette époque. Théodora Pétraliphina est née dans une famille de la haute aristocratie byzantine, dans une période particulièrement troublée. En 1204, la quatrième croisade s'empare de Constantinople, et l'Empire byzantin s'effondre. Les croisés tentent de s'approprier l'Empire en fondant l'Empire latin de Constantinople, mais certaines provinces résistent et s'organisent en état indépendants. C'est le cas de l'Empire de Trébizonde à l'est de la Mer noire de l'Empire de Nicée à l'ouest de la péninsule anatolienne et, tout à l'ouest de l'Empire byzantin, de l'Épire, un état fondé par le prince Michel Ier. La famille Pétraliphas perd ses biens occupés par les Latins et se retrouve séparée en deux, une partie à Nicée et l'autre en Épire. En Épire, elle se retrouve rapidement au premier plan puisque le successeur de Michel Ier, son frère Théodore, a épousé une Pétraliphina. Théodore est le souverain épirote le plus puissant et il parvient à s'emparer de Thessalonique et à s'y faire couronner empereur. Théodora est née probablement vers 1225. Elle est alors la nièce de l'impératrice et elle devient ensuite l'épouse de Michel II, le fils de Michel Ier, qui règne à son tour sur l'Épire. Michel portait le titre de despote, on parle donc d’un « despote d’Épire ». Théodora, pour sa part, portait le titre de basilissa. Elle règne à ses côtés et participe à son gouvernement. En politique extérieure, elle mène plusieurs missions diplomatiques pour le compte de son mari. Elle l'accompagne à la guerre. Elle fuit avec lui lorsque l'Épire est envahi. Ses frères et sœurs participent à des guet-apens contre ses ennemis. En politique intérieure, elle participe au soutien apporté aux monastères. Une fois devenue veuve, elle entre au monastère Saint-Georges à Arta, la capitale de l'Épire. Après sa mort, probablement vers 1283, elle est sanctifiée et son culte s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Alors, je me suis intéressé à son acolouthie tout d'abord parce qu'il s'agit d'une source importante pour l'histoire de l'Épire, qui est mon sujet de prédilection. Plus précisément, je m'interrogeais sur l'émergence du culte de Sainte Théodora et dans la bibliographie, je trouvais des indications contradictoires, notamment à propos de l'identité de l'auteur de l’Acolouthie. Par conséquent, je me suis rendu en 2018 à Venise, à la bibliothèque de la Marcienne, pour consulter l'unique manuscrit du texte, dans l'espoir d'en avoir le cœur net. Et là, à ma grande surprise, j'ai constaté que le texte contenu dans le manuscrit était très différent de celui qui se trouvait dans les éditions. D'une part, le manuscrit est incomplet, alors que les éditions sont complètes, il n'y a pas les mêmes parties, et les parties communes ne sont pas placées dans le même ordre. Enfin, la vie de la sainte, qui existe dans le manuscrit sous une version courte en grec classique, se retrouve dans l'édition dans une version longue en grec moderne. Dès lors, il m'a paru intéressant de publier le texte du manuscrit, parce que, dans la littérature scientifique, tout le monde parlait du texte et de son auteur sans savoir ce qui se trouvait vraiment dans ce manuscrit. Par ailleurs, le texte n'était pas à proprement parler inédit, puisque 90% du contenu du manuscrit était publié dans les éditions imprimées, mais aucune édition ne reproduisait le texte tel qu'il était dans le manuscrit. De sorte qu'il n'était jusqu'à présent pas possible de savoir précisément ce qui se trouvait dans le manuscrit ou non, c'est-à-dire de savoir précisément dans quel état se trouvait le texte au Moyen-Âge, plutôt que à l'époque moderne, au XVIIIe siècle, quand l’Acolouthie a commencé à être imprimée. Et ce qui est peut-être pire, c'est que personne n'avait conscience du problème. Par ailleurs, la publication du manuscrit permettrait évidemment d'en savoir plus sur l'histoire du texte et sur son auteur. En l'occurrence, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai tout d'abord pu me rendre compte que le texte était très différent dans le manuscrit et dans la version édité. En fait, l'éditio princeps, c'est-à-dire la première édition imprimée, a été réalisée en 1772 à Venise, là où le manuscrit est conservé. De sorte que tout le monde pensait qu'elle avait été faite d'après le manuscrit. Mais les différences sont tellement grandes que je ne pense vraiment pas que ce soit le cas. D'ailleurs, le texte a été édité par des grecs originaires d’Épire, notamment par un certain Panos Seklistinos, originaire d'Arta. Et on a beaucoup d'exemples de grecs qui viennent de Grèce avec leurs textes à Venise pour les faire imprimer à l'époque. Parce que l’imprimerie était très peu répandue dans l’empire ottoman. Par conséquent, ce n'est pas du tout parce que l’Acolouthie a été imprimé à Venise qu'elle a été d’après un manuscrit conservé à Venise. En réalité, c'est même l'inverse qui est le plus probable. D'une part, les éditeurs ne mentionnent pas le manuscrit. D'autre part, pourquoi des grecs seraient-ils allés à Venise chercher le manuscrit de l’Acolouthie ? De deux choses l'une, soit le culte de la Sainte était encore vivant à Arta, et il possédait donc une version du texte sur place, soit il n'en possédait pas, et cela signifie que le culte était interrompu. Dans ce cas-là, pourquoi se donner la peine d'aller fouiller les bibliothèques vénitiennes ? L'édition de 1772 est en effet une édition à but liturgique et non philologique. Elle ne vise pas à faire connaître un texte ancien à la communauté scientifique, mais à faciliter l'exécution de l'office lors de la fête de la Sainte. A l'opposé, on a en 1784 une édition de la vie de la Sainte, extraite de l’acolouthie, et puis publiée dans une description de la collection de manuscrits dans laquelle se trouvait le texte de l’acolouthie. Cette édition est réalisée par l'érudit italien Giovanni Luigi Mingarelli. Elle présente au contraire toutes les caractéristiques d'un travail scientifique de l'époque. Tout d'abord, le manuscrit est cité, et seule la vita est publiée, car elle seule paraît intéressante en tant que source historique. Les hymnes dédiés à la sainte, évidemment, ne l'intéressent pas. C'est pourquoi je ne pense pas que l'édition de 1772 ait été réalisée d'après le manuscrit. Il y avait probablement à Arta une version du texte sous forme manuscrite, qui a ensuite été perdue. De toute façon... Même si l'édition a été faite d'après le manuscrit, les différences sont telles qu'on ne peut pas parler du même texte. On a vraiment dans le manuscrit une version du XVe siècle et dans l'édition une version du XVIIIe siècle. Par ailleurs, concernant l'auteur, la bibliographie était divisée en deux camps. Ceux qui pensaient que l'auteur s'appelait Job Melês et que ce dernier devait probablement être identifié au moine Job Melias Iasitês, personnage connu à Constantinople dans les années 1270, et ceux qui pensaient qu'il s'appelait simplement Job et que son nom de famille était inconnu. Les premiers s'appelaient sur l'édition Seklistinos, qui fournissait le nom complet de l'auteur. Les seconds s’appuyaient sur l'édition de Mingarelli, qui ne fournit que le prénom et pas le nom de famille, et considéraient donc que Seklistinos n'avait trouvé dans le manuscrit que le prénom Job et qu'il avait lui-même ajouté le nom de Melês en hommage au moine Job Melias Iasitês. Cette dernière hypothèse me semblait en réalité très improbable. Mais l'examen du manuscrit règle la question de façon définitive. Le nom de Job Melês y figure clairement, non pas dans le titre, mais à l'intérieur du texte. Mingarelli, pour sa part, n'a reproduit que le titre, qui ne fournissait que le prénom Job et la vita. Il n'a pas reproduit le nom de famille, ce qui a pu donner l'impression que ce dernier était absent du manuscrit. Mais il y est. Cela ne règle pas totalement la question de l'identité de Job Melês avec Job Melias Iasitês, mais au moins le débat peut continuer sur des bases plus solides. L'argument selon lequel le nom aurait été rajouté au XVIIIe siècle n'est plus recevable. Le moine Job Melês n'est pas connu en dehors du manuscrit de l’Acolouthie. En revanche, le moine Job Melias Iasitês est un personnage relativement bien connu, qui a notamment pris part à la controverse à propos de l’Union des églises en 1274. A cette époque, l'empereur de Nicée Michel VIII Paléologue a repris Constantinople au latin, en 1261. Et en Occident, certains préparent une nouvelle croisade pour la lui reprendre. Michel VIII décide donc de procéder à l'union des églises, c'est-à-dire de négocier avec la papauté la reconnaissance de sa primauté, afin d'empêcher la croisade. Or, cette union suscite une forte opposition interne, notamment de la part de Job Melias Iasitês. Ce dernier est donc exilé en 1275 et l'on ignore la fin de sa vie. Alors, pourquoi ce moine serait-il l'auteur de l’Acolouthie ? En plus de la proximité de son nom avec Job Melês, Job Melias était aussi un proche de la dynastie Épirote. En effet, à cette époque, le despote d’Épire était Nicéphore, le fils de Théodora, qui avait épousé une princesse byzantine, Anne Paléologue, dont la famille demeura à Constantinople. De même, un autre fils de Théodora avait épousé une princesse byzantine et s'était lui-même installé à Constantinople. Job connaissait très bien ces gens, car ils étaient de virulents opposants à l'Union. De même, Nicéphore, en tant que souverain indépendant, avait refusé l'union des églises. Et lorsque l'Union fut abrogée en 1283, Il envoya son épouse à Constantinople pour le représenter au concile d’Adramyttion, concile qui a mis fin à L'Union et qui réorganisait l'église orthodoxe en conséquence. Or, on sait qu'Anne, c'est-à-dire l'épouse de Nicéphore, rentra en épire avec des artistes venus de la capitale. Il n'est donc pas difficile d'imaginer que Job Melias, en 1283, soit rentré d'exil, ait rencontré Anne et a accepté de composer une acolouthie pour Théodora, alors récemment décédée. Quand bien même Job Melias ne serait pas Job Melês, Il n'y a, selon moi, pas de raison de penser que l'acolouthie ait été rédigée très longtemps après la mort de Théodora, soit à la fin du XIIIe siècle. L'édition du manuscrit de la Marcienne a donc été pour moi l'occasion de réexaminer ces questions. La biographie de la Sainte, l'histoire du texte, la question de l'auteur et la datation. Mais j'ai également eu l'occasion de réexaminer la vie de Théodora contenue dans l’Acolouthie. En effet, celle-ci est très intéressante pour l'histoire de l'État épirote, puisqu'avant de raconter la vie de Théodora proprement dite, elle raconte l'histoire de l'état épirote, de sa création jusqu'à l'époque de la vie de la sainte, donc au début du XIIIe siècle. Il s'agit d'un texte souvent fantaisiste, mais qui contient également des informations intéressantes, parfois confirmées par d'autres sources. Cette nouvelle édition était pour moi l'occasion de commenter cette partie du texte en faisant une sorte de bilan de l'historiographie qui utilise cette source intensivement depuis plus d'un siècle. Mais le gros du travail est naturellement concerné le reste de l’Acolouthie qui est composée de nombreuses hymnes. D'une part, pour l'éditer et le traduire, il m'a fallu comprendre en quoi consistait une Acolouthie. Or, je n'étais pas vraiment spécialiste de ce genre de littérature, ni de liturgie byzantine. J'ai donc dû me former et chercher ici ou là les informations nécessaires. J'ai tenté de faire bénéficier le lecteur de ces recherches en fournissant une édition, telle que j'aurais aimé en trouver. En effet, les publications traditionnelles sont en général très arides. Elles ne fournissent que le texte, et part du principe que le lecteur sait comment une Acolouthie fonctionne, connaît tout le vocabulaire spécifique et maîtrise le corpus de l'hymnographie byzantine. Pour ma part, je suis parti du principe que si je ne connaissais pas un terme spécifique, mon lecteur moyen ne le connaîtrait pas non plus. J'ai donc mis des notes en conséquence. De même, les hymnes sont rédigés en suivant des hirmoi, c'est-à-dire des modèles connus de tous les chantres. En gros, il s'agit de chansons rédigées « sur l’air de… » Sauf que je ne connaissais pas ces airs. J'ai donc cherché sur Internet et j'ai ensuite mis en note les liens vers les hirmoi, notamment vers le site internet de la métropole de Corinthe, qui a constitué une sorte de sonothèque à ce propos. Le lecteur peut donc suivre l’acolouthie en écoutant les hirmoi au fur et à mesure. D'une certaine façon, j'ai conçu ce livre non seulement pour des lecteurs qui s'intéresseraient à Sainte-Théodora en particulier, mais aussi pour des lecteurs non grecs, en particulier francophones évidemment, qui chercheraient une introduction au genre de l’acolouthie. Évidemment, dans cette perspective, il était indispensable de fournir une traduction française. Celle-ci cherche au maximum à suivre le texte, j'ai donc autant que possible traduit vers à vers, quasiment en mode juxtalinéaire, et pas du tout de façon littéraire. Enfin, je propose au lecteur une étude de Lacolouti qui est à ma connaissance la première. Autant la vie avait déjà été étudiée et intégrée autant dans des travaux sur l'histoire épiroque que sur le genre agéographique, autant les hymnes de l’Acolouthie, même dans la version éditée, n'avaient jamais fait l'objet d'une étude spécifique, ni été intégrées dans les études existantes sur l’hagiographie byzantine. Je me suis donc livré à une telle étude. Il en ressort que les hymnes suivent de très près les règles du genre. Le personnage de Théodora tel qu'il y apparaît est stéréotypé. Théodora est remarquable pour ses vertus, ses souffrances, ses qualités ascétiques et la qualité des soins et consolations qu'elle apporte à ceux qui souffrent. En cela, elle se distingue d'autres saints, notamment masculins, qui seront eux loués pour leur sagesse, leur farouche défense de l'orthodoxie, etc. Quant à la vie de la sainte, elle est unique en son genre dans l’hagiographie byzantine, puisque le premier tiers raconte l'histoire de l'État épirote. Elle appartient donc plutôt au genre historique qu'au genre hagiographique. Ici, on sent l'influence de la Serbie. où les souverains sanctifiés sont nombreux. De façon générale, la sanctification d'un membre de la dynastie régnante dépasse largement l'individu,mais concerne l'État tout entier. C'est par exemple le cas, contemporain de Saint-Louis en France, qu'on connaît bien. En Serbie, c'est la dynastie entière qui est sainte. Et cette sanctification fait partie intégrante du processus de construction de l'État, voire de l'État-nation. Aujourd'hui encore, la plus grande église orthodoxe du monde est l'église de Saint-Sava, à Belgrade. Commencée au XXe siècle et récemment terminée. Cette église est dédiée au fils du fondateur de la dynastie némanide. C'est dire les implications contemporaines de ce phénomène médiéval. Concernant Théodora, le culte a probablement participé à forger un patriotisme épirote qui a permis à l'état épirote de rester indépendant jusqu'à la conquête ottomane, malgré les divers impérialismes auxquels il fut confronté. L’Épire n'est pas devenu un État-nation, mais le culte de Théodora est toujours vivant. Les fidèles se pressent chaque jour pour adorer ses reliques, et chaque année, le 11 mars, la fête de la Sainte est l'une des plus importante festivité de l'année à Arta, occasionnant une procession géante dans les rues de la ville.

Chapters

  • Introduction de Brendan Osswald et présentation du livre

    00:19

  • Origine de la recherche et contexte historique de Sainte Théodora

    00:33

  • Définition de l'acolouthie et son importance liturgique

    00:58

  • Découverte des différences entre le manuscrit et les éditions imprimées

    03:17

  • Réflexions sur la vie de Sainte Théodora et son héritage

    10:39

  • Le culte de Sainte Théodora et son impact sur l'identité épirote

    14:27

Description

Théodora Petraliphina, future sainte Théodora, est une figure incontournable de l’histoire du despotat d’Épire au XIIIe siècle. Pourtant, la Vie de sainte Théodora d’Arta et l’acolouthie médiévale qui lui est dédiée restent des sources peu étudiées, entourées de nombreuses questions sur leur fiabilité, leur auteur et leur datation. Ce livre comble ces lacunes en proposant une édition critique rigoureuse de ces textes fondamentaux, appuyée sur le manuscrit unique conservé à la Marcienne de Venise. L’ouvrage s’ouvre sur une analyse approfondie du contexte historique et liturgique : la biographie de Théodora, l’histoire éditoriale complexe de ses textes, l’évolution de son culte, et les spécificités philologiques de l’acolouthie. Ces recherches permettent de mieux comprendre non seulement la sainte et sa place dans la spiritualité byzantine, mais aussi le rôle du despotat d’Épire dans l’histoire politique et culturelle du XIIIe siècle. Avec une traduction française annotée et des études détaillées, ce livre s’impose comme une référence essentielle pour les historiens, les spécialistes de la liturgie byzantine et tous ceux qui s’intéressent à la culture, à la liturgie et à l’histoire médiévales.

Brendan Osswald, byzantiniste, est docteur en Histoire, agrégé de Lettres classiques et ancien membre de l’École française d’Athènes. Ses recherches portent notamment sur l’histoire, la littérature et l’archéologie de l’État épirote (XIIIe-XVe siècles). Il collabore actuellement au programme de recherches de l’Académie des Sciences de Heidelberg sur la Chronographia attribuée à Jean Malalas.

Les voix de la Méditerranée et des Balkans portées par l’École française d’Athènes.

Ne manquez aucun épisode, abonnez-vous dès maintenant.


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  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Brendan Osswald, chercheur à l'Académie des sciences de Heidelberg et en ce moment au revient-iniste de l'École française d'Athènes. Je vais vous présenter mon nouveau livre intitulé L’Acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui vient de paraître aux éditions de l'EFA. Initialement, j'avais pour projet de rédiger un article pour le Bulletin de Correspondance Hellénique, mais plus je travaillais sur le sujet, plus le texte grossissait et prenait les dimensions d'un livre qui a naturellement pris sa place dans la collection Sources et documents. C'est un travail qui tire son origine dans un programme de recherche de l'École consacré aux églises épirotes. C'est comme cela que je me suis intéressé à l'église Saint-Odora à Arta, et, de fil en aiguille, à sa patronne. Alors, une acoloutie, qu'est-ce que c'est ? Eh bien, ça vient du grec akolouthia, qui signifie la « succession », donc ça désigne les différentes parties d'un office dans la liturgie orthodoxe. On parle de l'acolouthie d'un saint à propos d'un texte regroupant toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de la liturgie spécifique à la fête du saint. En l'occurrence, mon livre est consacré à l'acolouthie de Sainte Théodora d’Arta, qui est une sainte épirote du XIIIe siècle. Il ne s'agit pas d'un personnage légendaire, mais d'une personne ayant réellement existé, dont la vie est relativement bien documentée pour une femme de cette époque. Théodora Pétraliphina est née dans une famille de la haute aristocratie byzantine, dans une période particulièrement troublée. En 1204, la quatrième croisade s'empare de Constantinople, et l'Empire byzantin s'effondre. Les croisés tentent de s'approprier l'Empire en fondant l'Empire latin de Constantinople, mais certaines provinces résistent et s'organisent en état indépendants. C'est le cas de l'Empire de Trébizonde à l'est de la Mer noire de l'Empire de Nicée à l'ouest de la péninsule anatolienne et, tout à l'ouest de l'Empire byzantin, de l'Épire, un état fondé par le prince Michel Ier. La famille Pétraliphas perd ses biens occupés par les Latins et se retrouve séparée en deux, une partie à Nicée et l'autre en Épire. En Épire, elle se retrouve rapidement au premier plan puisque le successeur de Michel Ier, son frère Théodore, a épousé une Pétraliphina. Théodore est le souverain épirote le plus puissant et il parvient à s'emparer de Thessalonique et à s'y faire couronner empereur. Théodora est née probablement vers 1225. Elle est alors la nièce de l'impératrice et elle devient ensuite l'épouse de Michel II, le fils de Michel Ier, qui règne à son tour sur l'Épire. Michel portait le titre de despote, on parle donc d’un « despote d’Épire ». Théodora, pour sa part, portait le titre de basilissa. Elle règne à ses côtés et participe à son gouvernement. En politique extérieure, elle mène plusieurs missions diplomatiques pour le compte de son mari. Elle l'accompagne à la guerre. Elle fuit avec lui lorsque l'Épire est envahi. Ses frères et sœurs participent à des guet-apens contre ses ennemis. En politique intérieure, elle participe au soutien apporté aux monastères. Une fois devenue veuve, elle entre au monastère Saint-Georges à Arta, la capitale de l'Épire. Après sa mort, probablement vers 1283, elle est sanctifiée et son culte s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Alors, je me suis intéressé à son acolouthie tout d'abord parce qu'il s'agit d'une source importante pour l'histoire de l'Épire, qui est mon sujet de prédilection. Plus précisément, je m'interrogeais sur l'émergence du culte de Sainte Théodora et dans la bibliographie, je trouvais des indications contradictoires, notamment à propos de l'identité de l'auteur de l’Acolouthie. Par conséquent, je me suis rendu en 2018 à Venise, à la bibliothèque de la Marcienne, pour consulter l'unique manuscrit du texte, dans l'espoir d'en avoir le cœur net. Et là, à ma grande surprise, j'ai constaté que le texte contenu dans le manuscrit était très différent de celui qui se trouvait dans les éditions. D'une part, le manuscrit est incomplet, alors que les éditions sont complètes, il n'y a pas les mêmes parties, et les parties communes ne sont pas placées dans le même ordre. Enfin, la vie de la sainte, qui existe dans le manuscrit sous une version courte en grec classique, se retrouve dans l'édition dans une version longue en grec moderne. Dès lors, il m'a paru intéressant de publier le texte du manuscrit, parce que, dans la littérature scientifique, tout le monde parlait du texte et de son auteur sans savoir ce qui se trouvait vraiment dans ce manuscrit. Par ailleurs, le texte n'était pas à proprement parler inédit, puisque 90% du contenu du manuscrit était publié dans les éditions imprimées, mais aucune édition ne reproduisait le texte tel qu'il était dans le manuscrit. De sorte qu'il n'était jusqu'à présent pas possible de savoir précisément ce qui se trouvait dans le manuscrit ou non, c'est-à-dire de savoir précisément dans quel état se trouvait le texte au Moyen-Âge, plutôt que à l'époque moderne, au XVIIIe siècle, quand l’Acolouthie a commencé à être imprimée. Et ce qui est peut-être pire, c'est que personne n'avait conscience du problème. Par ailleurs, la publication du manuscrit permettrait évidemment d'en savoir plus sur l'histoire du texte et sur son auteur. En l'occurrence, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai tout d'abord pu me rendre compte que le texte était très différent dans le manuscrit et dans la version édité. En fait, l'éditio princeps, c'est-à-dire la première édition imprimée, a été réalisée en 1772 à Venise, là où le manuscrit est conservé. De sorte que tout le monde pensait qu'elle avait été faite d'après le manuscrit. Mais les différences sont tellement grandes que je ne pense vraiment pas que ce soit le cas. D'ailleurs, le texte a été édité par des grecs originaires d’Épire, notamment par un certain Panos Seklistinos, originaire d'Arta. Et on a beaucoup d'exemples de grecs qui viennent de Grèce avec leurs textes à Venise pour les faire imprimer à l'époque. Parce que l’imprimerie était très peu répandue dans l’empire ottoman. Par conséquent, ce n'est pas du tout parce que l’Acolouthie a été imprimé à Venise qu'elle a été d’après un manuscrit conservé à Venise. En réalité, c'est même l'inverse qui est le plus probable. D'une part, les éditeurs ne mentionnent pas le manuscrit. D'autre part, pourquoi des grecs seraient-ils allés à Venise chercher le manuscrit de l’Acolouthie ? De deux choses l'une, soit le culte de la Sainte était encore vivant à Arta, et il possédait donc une version du texte sur place, soit il n'en possédait pas, et cela signifie que le culte était interrompu. Dans ce cas-là, pourquoi se donner la peine d'aller fouiller les bibliothèques vénitiennes ? L'édition de 1772 est en effet une édition à but liturgique et non philologique. Elle ne vise pas à faire connaître un texte ancien à la communauté scientifique, mais à faciliter l'exécution de l'office lors de la fête de la Sainte. A l'opposé, on a en 1784 une édition de la vie de la Sainte, extraite de l’acolouthie, et puis publiée dans une description de la collection de manuscrits dans laquelle se trouvait le texte de l’acolouthie. Cette édition est réalisée par l'érudit italien Giovanni Luigi Mingarelli. Elle présente au contraire toutes les caractéristiques d'un travail scientifique de l'époque. Tout d'abord, le manuscrit est cité, et seule la vita est publiée, car elle seule paraît intéressante en tant que source historique. Les hymnes dédiés à la sainte, évidemment, ne l'intéressent pas. C'est pourquoi je ne pense pas que l'édition de 1772 ait été réalisée d'après le manuscrit. Il y avait probablement à Arta une version du texte sous forme manuscrite, qui a ensuite été perdue. De toute façon... Même si l'édition a été faite d'après le manuscrit, les différences sont telles qu'on ne peut pas parler du même texte. On a vraiment dans le manuscrit une version du XVe siècle et dans l'édition une version du XVIIIe siècle. Par ailleurs, concernant l'auteur, la bibliographie était divisée en deux camps. Ceux qui pensaient que l'auteur s'appelait Job Melês et que ce dernier devait probablement être identifié au moine Job Melias Iasitês, personnage connu à Constantinople dans les années 1270, et ceux qui pensaient qu'il s'appelait simplement Job et que son nom de famille était inconnu. Les premiers s'appelaient sur l'édition Seklistinos, qui fournissait le nom complet de l'auteur. Les seconds s’appuyaient sur l'édition de Mingarelli, qui ne fournit que le prénom et pas le nom de famille, et considéraient donc que Seklistinos n'avait trouvé dans le manuscrit que le prénom Job et qu'il avait lui-même ajouté le nom de Melês en hommage au moine Job Melias Iasitês. Cette dernière hypothèse me semblait en réalité très improbable. Mais l'examen du manuscrit règle la question de façon définitive. Le nom de Job Melês y figure clairement, non pas dans le titre, mais à l'intérieur du texte. Mingarelli, pour sa part, n'a reproduit que le titre, qui ne fournissait que le prénom Job et la vita. Il n'a pas reproduit le nom de famille, ce qui a pu donner l'impression que ce dernier était absent du manuscrit. Mais il y est. Cela ne règle pas totalement la question de l'identité de Job Melês avec Job Melias Iasitês, mais au moins le débat peut continuer sur des bases plus solides. L'argument selon lequel le nom aurait été rajouté au XVIIIe siècle n'est plus recevable. Le moine Job Melês n'est pas connu en dehors du manuscrit de l’Acolouthie. En revanche, le moine Job Melias Iasitês est un personnage relativement bien connu, qui a notamment pris part à la controverse à propos de l’Union des églises en 1274. A cette époque, l'empereur de Nicée Michel VIII Paléologue a repris Constantinople au latin, en 1261. Et en Occident, certains préparent une nouvelle croisade pour la lui reprendre. Michel VIII décide donc de procéder à l'union des églises, c'est-à-dire de négocier avec la papauté la reconnaissance de sa primauté, afin d'empêcher la croisade. Or, cette union suscite une forte opposition interne, notamment de la part de Job Melias Iasitês. Ce dernier est donc exilé en 1275 et l'on ignore la fin de sa vie. Alors, pourquoi ce moine serait-il l'auteur de l’Acolouthie ? En plus de la proximité de son nom avec Job Melês, Job Melias était aussi un proche de la dynastie Épirote. En effet, à cette époque, le despote d’Épire était Nicéphore, le fils de Théodora, qui avait épousé une princesse byzantine, Anne Paléologue, dont la famille demeura à Constantinople. De même, un autre fils de Théodora avait épousé une princesse byzantine et s'était lui-même installé à Constantinople. Job connaissait très bien ces gens, car ils étaient de virulents opposants à l'Union. De même, Nicéphore, en tant que souverain indépendant, avait refusé l'union des églises. Et lorsque l'Union fut abrogée en 1283, Il envoya son épouse à Constantinople pour le représenter au concile d’Adramyttion, concile qui a mis fin à L'Union et qui réorganisait l'église orthodoxe en conséquence. Or, on sait qu'Anne, c'est-à-dire l'épouse de Nicéphore, rentra en épire avec des artistes venus de la capitale. Il n'est donc pas difficile d'imaginer que Job Melias, en 1283, soit rentré d'exil, ait rencontré Anne et a accepté de composer une acolouthie pour Théodora, alors récemment décédée. Quand bien même Job Melias ne serait pas Job Melês, Il n'y a, selon moi, pas de raison de penser que l'acolouthie ait été rédigée très longtemps après la mort de Théodora, soit à la fin du XIIIe siècle. L'édition du manuscrit de la Marcienne a donc été pour moi l'occasion de réexaminer ces questions. La biographie de la Sainte, l'histoire du texte, la question de l'auteur et la datation. Mais j'ai également eu l'occasion de réexaminer la vie de Théodora contenue dans l’Acolouthie. En effet, celle-ci est très intéressante pour l'histoire de l'État épirote, puisqu'avant de raconter la vie de Théodora proprement dite, elle raconte l'histoire de l'état épirote, de sa création jusqu'à l'époque de la vie de la sainte, donc au début du XIIIe siècle. Il s'agit d'un texte souvent fantaisiste, mais qui contient également des informations intéressantes, parfois confirmées par d'autres sources. Cette nouvelle édition était pour moi l'occasion de commenter cette partie du texte en faisant une sorte de bilan de l'historiographie qui utilise cette source intensivement depuis plus d'un siècle. Mais le gros du travail est naturellement concerné le reste de l’Acolouthie qui est composée de nombreuses hymnes. D'une part, pour l'éditer et le traduire, il m'a fallu comprendre en quoi consistait une Acolouthie. Or, je n'étais pas vraiment spécialiste de ce genre de littérature, ni de liturgie byzantine. J'ai donc dû me former et chercher ici ou là les informations nécessaires. J'ai tenté de faire bénéficier le lecteur de ces recherches en fournissant une édition, telle que j'aurais aimé en trouver. En effet, les publications traditionnelles sont en général très arides. Elles ne fournissent que le texte, et part du principe que le lecteur sait comment une Acolouthie fonctionne, connaît tout le vocabulaire spécifique et maîtrise le corpus de l'hymnographie byzantine. Pour ma part, je suis parti du principe que si je ne connaissais pas un terme spécifique, mon lecteur moyen ne le connaîtrait pas non plus. J'ai donc mis des notes en conséquence. De même, les hymnes sont rédigés en suivant des hirmoi, c'est-à-dire des modèles connus de tous les chantres. En gros, il s'agit de chansons rédigées « sur l’air de… » Sauf que je ne connaissais pas ces airs. J'ai donc cherché sur Internet et j'ai ensuite mis en note les liens vers les hirmoi, notamment vers le site internet de la métropole de Corinthe, qui a constitué une sorte de sonothèque à ce propos. Le lecteur peut donc suivre l’acolouthie en écoutant les hirmoi au fur et à mesure. D'une certaine façon, j'ai conçu ce livre non seulement pour des lecteurs qui s'intéresseraient à Sainte-Théodora en particulier, mais aussi pour des lecteurs non grecs, en particulier francophones évidemment, qui chercheraient une introduction au genre de l’acolouthie. Évidemment, dans cette perspective, il était indispensable de fournir une traduction française. Celle-ci cherche au maximum à suivre le texte, j'ai donc autant que possible traduit vers à vers, quasiment en mode juxtalinéaire, et pas du tout de façon littéraire. Enfin, je propose au lecteur une étude de Lacolouti qui est à ma connaissance la première. Autant la vie avait déjà été étudiée et intégrée autant dans des travaux sur l'histoire épiroque que sur le genre agéographique, autant les hymnes de l’Acolouthie, même dans la version éditée, n'avaient jamais fait l'objet d'une étude spécifique, ni été intégrées dans les études existantes sur l’hagiographie byzantine. Je me suis donc livré à une telle étude. Il en ressort que les hymnes suivent de très près les règles du genre. Le personnage de Théodora tel qu'il y apparaît est stéréotypé. Théodora est remarquable pour ses vertus, ses souffrances, ses qualités ascétiques et la qualité des soins et consolations qu'elle apporte à ceux qui souffrent. En cela, elle se distingue d'autres saints, notamment masculins, qui seront eux loués pour leur sagesse, leur farouche défense de l'orthodoxie, etc. Quant à la vie de la sainte, elle est unique en son genre dans l’hagiographie byzantine, puisque le premier tiers raconte l'histoire de l'État épirote. Elle appartient donc plutôt au genre historique qu'au genre hagiographique. Ici, on sent l'influence de la Serbie. où les souverains sanctifiés sont nombreux. De façon générale, la sanctification d'un membre de la dynastie régnante dépasse largement l'individu,mais concerne l'État tout entier. C'est par exemple le cas, contemporain de Saint-Louis en France, qu'on connaît bien. En Serbie, c'est la dynastie entière qui est sainte. Et cette sanctification fait partie intégrante du processus de construction de l'État, voire de l'État-nation. Aujourd'hui encore, la plus grande église orthodoxe du monde est l'église de Saint-Sava, à Belgrade. Commencée au XXe siècle et récemment terminée. Cette église est dédiée au fils du fondateur de la dynastie némanide. C'est dire les implications contemporaines de ce phénomène médiéval. Concernant Théodora, le culte a probablement participé à forger un patriotisme épirote qui a permis à l'état épirote de rester indépendant jusqu'à la conquête ottomane, malgré les divers impérialismes auxquels il fut confronté. L’Épire n'est pas devenu un État-nation, mais le culte de Théodora est toujours vivant. Les fidèles se pressent chaque jour pour adorer ses reliques, et chaque année, le 11 mars, la fête de la Sainte est l'une des plus importante festivité de l'année à Arta, occasionnant une procession géante dans les rues de la ville.

Chapters

  • Introduction de Brendan Osswald et présentation du livre

    00:19

  • Origine de la recherche et contexte historique de Sainte Théodora

    00:33

  • Définition de l'acolouthie et son importance liturgique

    00:58

  • Découverte des différences entre le manuscrit et les éditions imprimées

    03:17

  • Réflexions sur la vie de Sainte Théodora et son héritage

    10:39

  • Le culte de Sainte Théodora et son impact sur l'identité épirote

    14:27

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