Speaker #0Cette série Les Fouilles de Delphes consacrée donc à la sculpture, aux monuments figurés, a commencé en 1909. Le dernier volume est paru en 2003. L'objectif c'était de publier toutes les sculptures en pierre de Delphes. Et finalement, on peut constater que cette série est restée inachevée. Ces deux volumes visent à présenter un bilan de tout ce que nous savons sur cette documentation, republiant les œuvres déjà connues, disons de l'époque archaïque, et publiant parfois pour la première fois donc les œuvres de l'époque classique, hellénistique et romaine. Les sculptures trouvées à Delphes sont dans une situation documentaire, de publication paradoxale, puisque à la fois c'est un ensemble presque unique au monde, avec l'Acropole d'Athènes peut-être, avec quelques grands sanctuaires, c'est un des rares sites du monde grec qui a livré autant de sculptures, et pour des périodes aussi variées. Elles sont à la fois connues, parce que bien entendu, photographiées, connues, diffusées par le moulage, donc il y a des œuvres très très célèbres, et dans le même temps, peu ou anciennement publiées. Alors c'est lié surtout aux sources. Parce que ces œuvres ont été essentiellement trouvées entre 1892 et 1903 dans ce qu'on appelle la Grande Fouille. Et donc il y a énormément d'informations qui sont aujourd'hui des archives conservées à l'École française d'Athènes à Athènes, des photographies, des carnets de fouilles, le fameux journal de la Grande Fouille de Delphes, et qui n'ont pas été exploitées pour une publication scientifique. Donc voilà, cette série documentaire des sculptures en pierre de Delphes, et tout le monde croit la connaître. Tout le monde a vu l'Antinoüs de Delphes ou les statues dites de Cléobis et Biton, mais il n'en existe pas de publication scientifique. Ce livre est aussi une expérience éditoriale qu'on doit d'abord au service d'édition de l'École française d'Athènes, puisque cette collection des fouilles de Delphes, elle est essentiellement d'abord faite pour les archéologues, les spécialistes, parce qu'ils rentrent dans une série, et ensuite parce qu'il s'agit de publier scientifiquement des œuvres découvertes, par la grande fouille de l'École française d'Athènes de la fin du XIXe siècle. Donc ces volumes répondent à cette manière de faire. Pour autant, deux choses nous ont fait évoluer. Et vouloir faire de ce livre aussi un beau livre d'art, à la fois grâce au Centre Camille Julian et Loïc Damelay, et avec la photographe de l'École française d'Athènes, donc Irini Myari, on a fait une campagne de photographie complète. C'est-à-dire que cet ouvrage, pour la première fois, va publier de manière nouvelle toutes les sculptures de Delphes avec de nouvelles photographies, c'est-à-dire aussi dans leur état de conservation actuel. Or, aujourd'hui, la plupart des photographies de ces sculptures datent des années 1910, 1920, 1950. Elles ont été dérestaurées, re-restaurées, nettoyées. Il y a non seulement des photographies, mais il y a également des dessins, une vingtaine de dessins inédits. Pourquoi la sculpture en pierre a finalement à Delphes connu une forme de développement aussi extraordinaire. Il y a plusieurs raisons. D'abord c'est le caractère même du sanctuaire de Delphes, qui est un sanctuaire panhellénique. Finalement le lieu de la rivalité entre communautés, entre cités-états, ethnès, royaumes. Donc c'est un lieu privilégié de la rivalité par l'offrande. D'autres bien entendu l'ont montré, l'ont dit pour l'architecture, mais c'est vrai aussi pour la sculpture. Et donc ça, ça permet de comprendre aussi pourquoi on a autant d'offrandes variées, d'autant de cités-états, d'ethnès ou de royaumes. Ensuite, donc au-delà de ce rôle de rivalité qui explique finalement une compétition dans l'offrande sculptée, c'est aussi la localisation de ce sanctuaire puisque nous sommes en Grèce centrale et Delphes c'est le lieu de rencontre entre des traditions qu'on pourrait qualifier de péloponnésiennes, de Grèce centrale, liées à l'usage notamment du calcaire, avec rencontre avec les milieux perméables aux influences cycladiques qui, elles, ont l'habitude d'utiliser le marbre comme matériau de construction, pour l'architecture comme matériau de sculpture, et notamment bien entendu Athènes. Donc c'est à Delphes que se rencontrent ces deux traditions, de la sculpture en pierre calcaire et de la sculpture en marbre venue des Cyclades. Donc ça explique sans doute à la fois ce rôle de sanctuaire comme lieu de la rivalité, cette rencontre entre deux manières de faire de la sculpture explique donc cette floraison de sculptures en pierre découvertes à Delphes. Delphes est sans doute un point, un observatoire, un point de connaissance des arts figurés grecs, assez unique dans le monde grec, d'abord par la période concernée, qui va finalement des IXe-VIIIe siècles avant Jésus-Christ jusqu'à la fin de l'Antiquité. Il y a peu de sanctuaires, de cités ou de royaumes dans le monde grec qui ont livré comme ça, de manière continue, des productions figurées. Donc on a là, des documents clés pour l'époque géométrique, pour l'époque dite orientalisante, pour l'époque archaïque, pour l'époque classique, pour l'époque hellénistique, pour l'époque romaine. Donc il y a d'abord cette étendue chronologique. Ensuite, les œuvres conservées sont souvent des œuvres majeures dans leur domaine, que ce soit pour la sculpture architecturale, avec notamment cette particularité des trésors de Delphes de l'époque archaïque, ou encore avec le trésor des Athéniens pour l'époque classique, avec des monuments exceptionnels comme la Tolos ou le temple du IVe siècle. Voilà un sanctuaire qui a livré les décors de son temple principal à l'époque archaïque et de son temple principal, le même, à l'époque classique. C'est presque un cas unique dans le monde grec. Pour toutes ces raisons, Delphes est un bon observatoire à la fois de l'ensemble des périodes de l'art grec et notamment de la sculpture, mais également avec des documents majeurs pour la connaissance de cet art.
